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« L’avenir est aux sources »

- Gaston Miron

Témoignage de Pierre Boudreault

Hélène m’a demandé de vous parler de Dominique et de témoigner de ce qu’il  avait été pour moi, en tant que neveu qui l’a côtoyé depuis longtemps. En somme, Dominique était quelqu’un qu’on aimait beaucoup dans notre famille. C’est pour ça que la voix de ma sœur Caroline se joint à la mienne aujourd’hui pour cet hommage à Dominique. Caro l’a connu depuis les premiers moments de fréquentations avec Hélène car elle habitait en bas de chez Hélène sur Fabre à cette époque. Par la suite, Dominique et Hélène ont installé leur pied à terre montréalais en haut de chez elle dans le Vieux-Rosemont. Dominique était également le parrain de Vincent, le fils de Caro. Je suis sûr aussi que je rejoindrai les sentiments de mes parents Marcel et Monique et de mon frère Guy envers Dominique avec ce que je vous dirai aujourd’hui.

Je connaissais Dominique depuis plus de 25 ans, et pendant cette période il a été pour moi successivement le chum d’Hélène, ensuite l’ami de mon père Marcel, puis Dominique, puis Dodi, puis enfin mon oncle par son mariage avec Hélène. J’ai donc envie de vous parler davantage de l’homme que du musicien.

Pendant  toutes ces années, nous avions nos habitudes chez Hélène et Dominique. On se voyait 3 à 4 fois par année, selon la période, pour des week-ends en famille. Moi, Cindy, mes 2 filles. Avec Caro et Normand aussi parfois. Je veux donc vous parler brièvement de trois lieux et de moments significatifs qui représentent bien ce que c’était de côtoyer Dominique. 

1er lieu : Le Jalobert. Une histoire de pêche qui faisait beaucoup rire Dominique.  C’est au lac Jalobert que nous nous sommes connus un peu plus. J’habitais encore au Saguenay à l’époque, je devais avoir 20 ans. Dominique avait invité mon père Marcel à la pêche et m’avait aussi invité. Cool! Arrivés en soirée, un peu trop tard pour aller sur le lac. La tourtière était au four, je voulais m’éclipser un peu, connaissant moins Dominique qui m’intimidait un peu à vrai dire, je décide donc d’aller pêcher au bout du quai. Je laisse mes deux moineaux ensembles dans le chalet avec leur bouteille de rhum. De retour au chalet au bout d’une trentaine de minutes, max, je découvrais assis à la table mes deux loups de mer, qui ont du fun, les yeux a moitié ouverts, qui s’étaient ‘‘sifflé’’ le 26 onces de rhum! Ils buvaient des rhums and Pepsi! Jamais vu deux gaillards changer d’état en si peu de temps! La posture avait pris le bord, je peux vous le dire! J’ai l’impression qu’au lieu de diluer le rhum avec du Pepsi, ils ont dilué le Pepsi avec du rhum! ☺ Trop contents d’être ensemble, trop contents de profiter du moment. Et là, Dominique, dans un effort de concentration, un œil mi-ouvert, me dit : ‘‘Pierrot, penses-tu qu’là tourtière est prête?’’  Bref, Dominique n’avait pas le vin triste, non pas du tout! Nous avions passé une très belle soirée et à ma surprise, mes deux gaillards avaient tenu le coup. Le syndicaliste et le violoniste s’entendaient  à merveille!  Dodi avait aussi dit ce soir-là en guise de bilan de soirée: ‘‘En tout cas Marcel, on n’a pas réglé de problèmes, mais on n’a parlé!’’
En tout cas, moi cette soirée m’avait permis de constater une chose : que Dominique, avec les privilèges que la vie lui avait accordés, Dominique l’artiste montréalais, (car au Saguenay parfois on est ‘‘suspect’’ avec le monde de Montréal!), Dominique  le gars que nous apprenions à connaître, celui qui frayait avec les poètes,  celui qui aurait eu bien des raisons de se la jouer comme tant de personne le font, et bien non, il n’était pas là où on aurait pu l’attendre. Il nous gagnait par sa gentillesse, sa simplicité, son ouverture, son amitié chaleureuse et sans fard et sa générosité dans ses rapports avec les autres. Le constat était le suivant: ‘‘Mamie Hélène, yé cool ton nouveau chum!’’  

Ah oui : Le lendemain Dominique s’était levé tôt, frais comme une rose. Je découvrais donc aussi la légendaire capacité de récupération de Dominique. Capacité que je lui ai d’ailleurs toujours enviée.

Autre lieu: le chalet du Lac Mitchell (les apéros sur le ponton, les soupers…). Il y a 5 ans, nous avions célébré le 50e anniversaire de mariage de mes parents. Hélène et Dominique voulaient donc voir les photos. Je m’installe avec mon portable pour les partager avec eux. Et là passe une photo prise par Guy, on y voit papa et maman lors du renouvellement de leurs vœux de mariage. Une très bonne photo, touchante. Réussie quoi! Hélène dit alors : ‘‘Dodi’’, en lui mettant la main sur le bras… Je me suis alors relevé la tête pour voir que Dominique et Hélène avaient les yeux en eau, parce que touchés et émus par la photo. Dominique avec sa Hélène, c’était aussi ça : de l’attention, de la sensibilité, beaucoup d’amour, beaucoup, et de la compassion.

Autre lieu : la maison de Val-Morin. Pour moi, ce qui fait le bonheur, ce sont des moments précieux, agréables que l’on vit avec les gens qu’on aime.  Et chez vous, ces moments-là, nous en avons eu plusieurs. Nous y avons passés de nombreux week-ends, et nous savions que nous pourrions discuter des sujets du moment, actualités, politique, musique, famille, nos vies, tout y passait et je savais que nos discussions seraient tout sauf banales ou anodines. Que de plaisirs! Les bouffes, les apéros, tes nouvelles compositions que tu testais avec nous parfois. Et tes préoccupations, tes projets artistiques dont tu nous parlais, j’aimais ça, car tu avais toujours des projets. Même à l’hôpital la semaine dernière tu en avais encore… 

Enfin, pour te décrire Dominique, ma blonde m’a aidé. On parlait de toi cette semaine, et spontanément elle m’a dit: ’’Au fond, Dominique, c’était un créateur d’harmonies!’’ Oui, c’est bon ça! Un créateur d’harmonies.  Avec les gens, avec sa musique. Et moi j’ajouterais un humaniste et un pacifiste. Dominique, tu faisais confiance aux gens, tu avais confiance en la vie et tu nous donnais confiance en la vie. 

Mais, il y a un mais. Comme Hélène l’a si bien dit, dorénavant, ta présence sera autre. Mais je sais que lorsque je retournerai chez vous, il y aura une chaise vide, celle à gauche d’Hélène.

Quand je m’assoirai à ma place habituelle, au bout de la table, il va manquer quelqu’un, il y aura un très grand vide. Je ne peux maintenant que garder précieusement  en mémoire les bons souvenirs que tu nous laisses, ces bons moments qui sont parmi les plus chers pour moi et pour ma famille, ma blonde, mes filles.

Pour terminer, je me permettrai d’emprunter librement des passages d’un texte de l’auteur Evelyne de La Chenelière. La Presse lui avait demandé qu’est-ce que c’est ‘‘d’avoir du chic’’.

Ça va comme suit :

À l’ère où triomphent le culte de soi, l’exposition permanente et obscène de son vécu et de ses douleurs, 

en ces jours où nous avons l’existence si manifeste et si bruyante, 

le chic, il me semble, c’est la splendeur discrète, la délicatesse de taire un peu sa détresse comme ses exploits; 

le chic est ce supplément d’âme qui ajoute la réserve à l’éclat, et la tenue à l’émoi.

Le chic, il me semble, c’est volontiers faire briller les autres, 

c’est aimer sans calcul ni intérêt, 

c’est pardonner ou aider sans s’applaudir soi-même

Le chic, c’est tenter une sorte d’élévation qui n’a rien à voir avec le statut, mais plutôt avec la noblesse des sentiments.

Dominique, tu avais vraiment du chic!

Merci d’avoir été dans nos vies. Et Merci à toi Hélène de l’avoir partagé avec nous.

 

Pierre Boudreault
Théâtre du marais, Val-Morin, 27 juin 2015.

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